La communauté médicale unie contre la réduction de l’Aide médicale d’état

Le CNGE

L’Aide médicale de l’État (AME) est un dispositif d’aide sociale permettant aux étrangers en situation irrégulière résidant sur le territoire français depuis plus de 3 mois (dès le 1er jour pour les enfants) et sous condition de ressources, de bénéficier d’une prise en charge de leurs soins en médecine de ville et à l’hôpital dans la limite des tarifs de la sécurité sociale et avec un panier de soins réduit. Ce dispositif doit être renouvelé tous les ans et concernait, en 2022, 415 000 bénéficiaires pour un budget estimé à environ un milliard d’euros soit moins de 0,5% des dépenses totales de santé. [1]
Malgré la mobilisation de la communauté médicale et scientifique au printemps dernier et de nouveau ces dernières semaines, un amendement proposant la suppression de l’AME, au profit d’une « aide médicale d’urgence » au périmètre restreint excluant les soins primaires, a été voté au Sénat le 7 novembre 2023 à l’occasion de l’examen du projet de loi immigration. [2] S’il était adopté à l’Assemblée nationale en décembre prochain, il limiterait et retarderait de façon majeure l’accès aux soins de cette population déjà particulièrement vulnérable conduisant à une augmentation du recours aux soins hospitaliers urgents, plus complexes et plus coûteux.
Cet amendement est un non-sens sur le plan de la santé publique, mais aussi économique, et n’est ni plus ni moins qu’une atteinte grave aux principes des droits humains garantissant un droit à la santé et aux soins pour toutes et tous sur le territoire français et européen. [3,4]
L’immigration est un phénomène observé mondialement. Les motifs de départ sont le plus souvent en lien avec les études, d’ordre économique, familial ou liés à l’insécurité. [5,6] A l’heure actuelle, les travaux épidémiologiques, sociologiques et démographiques battent en brèche l’idée d’un « appel d’air » basé sur le modèle de protection sociale français et sur l’existence de l’AME. Ils viennent conforter l’idée que la migration pour raison de santé est marginale parmi les motifs de départ des pays d’origine. [7]. De plus, le système de protection sociale étant en réalité méconnu des étrangers en situation irrégulière et le parcours administratif étant complexe, on estime que près de la moitié des étrangers éligibles à l’AME n’y ont pas recours y compris parmi ceux atteints de maladies chroniques. La restriction de l’AME n’aurait donc aucun effet sur les flux migratoires. [8,9]
En supprimant l’AME et en limitant l’accès aux soins des sans-papiers, le législateur accentuerait par contre le renoncement aux soins d’une population déjà précaire, augmentant les retards au diagnostic et aux traitements. Ces retards entraineront des recours aux soins tardifs avec des pathologies à un stade avancé, faisant alors peser les coûts sur le système hospitalier public déjà largement fragilisé. En effet, cela se traduira par une sollicitation accrue des permanences d’accès aux soins de santé (PASS) et des services d’urgences, ainsi que par davantage d’hospitalisations dont la complexité et la durée impliquent de facto des coûts plus élevés. [10-15] De plus les sorties d’hospitalisation en soins de suites et de réadaptation, déjà difficiles chez ces populations en situation de précarité, seront rendues impossibles, une couverture maladie étant indispensable avant tout transfert. Ce phénomène ne fera qu’accentuer la congestion déjà majeure de l’hôpital public. L’analyse de la période de restriction de l’accès à la protection sociale décidée en Espagne en 2012 pour les étrangers en situation irrégulière a conclu à une augmentation de l’incidence de certaines maladies (y compris transmissibles) ainsi qu’à une augmentation du taux de mortalité dans cette population, conduisant le gouvernement espagnol à reculer et à rétablir cet accès aux soins. [16-18] Ainsi, loin de limiter les dépenses, la suppression de l’AME ferait porter sur le système hospitalier public le poids de décisions politiques éloignées de la réalité et en contradiction avec les principes de santé publique, sans compter les surcoûts que cela entrainera comme cela a été démontré ailleurs. [19]
Nous, sociétés savantes, collèges, fédérations, syndicats et associations médicales appelons solennellement les députés de l’Assemblée nationale et le gouvernement à ne pas supprimer l’Aide médicale d’état, à s’opposer fermement à toutes restrictions de son périmètre, et à revenir sur les limitations qui lui ont été adjointes depuis sa création (délais de carence et plafond de ressource en particulier). Il est également indispensable de garantir un accès effectif à ceux qui en relève et de lutter efficacement contre les refus de soins dont ces bénéficiaires font l’objet. Ces conditions sont nécessaires au maintien d’un accès aux soins effectif pour cette population vulnérable et sont en cohérence avec les recommandations nationales et internationales.

Organisations signataires :
Sociétés savantes
Société de pathologie infectieuse de langue française (SPILF)
Société française de lutte contre le Sida (SFLS)
Société française de médecine d’urgence (SFMU)
Société française de santé publique (SFSP)
Collège de la médecine générale (CMG)
Société de réanimation de langue française (SRLF)
Société française de pédiatrie (SFP)
Société francophone de médecine tropicale et de santé internationale (SFMTSI)
Collège national des généralistes enseignants (CNGE)
Société française de pneumologie de langue française (SPLF)
Société de formation thérapeutique du généraliste (SFTG)
Société de médecine des voyages (SMV)
Société Française de Gériatrie et de Gérontologie (SFGG)
Société française de microbiologie (SFM)
Société française de virologie (SFV)

Autres groupes professionnels
Coordination nationale des PASS
Conférence nationale des présidents de CME et de CMG des Centres Hospitaliers (CMECH)
Conférence nationale des présidents de CME des Centres Hospitalo-Universitaires (CMECHU)
Fédération nationale des centres de santé (FNCS)
Union syndicale des médecins de centres de santé (USMCS)
Syndicat national des médecins de PMI (SNMPMI)
Comité consultatif national d’éthique (CCNE)
SAMU Urgences de France (SUDF)

Références bibliographiques :
1.Budget de l’état. [Internet] Projets annuels de performances – Santé. [Consulté le 13/11/2023] Accessible : https://www.budget.gouv.fr/documentation/documents-budgetaires/exercice-2022/le-projet-de-loi-de-finances-et-les-documents-annexes-pour-2022/budget-general/sante
2. Projet de loi Immigration et intégration. [Consulté le 13/11/2023] Accessible : https://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl22-304.html
3. Convention européenne des droits de l’homme. [Consulté le 13/11/2023] Accessible: https://www.echr.coe.int/fr/european-convention-on-human-rights
4. Conseil de l’Europe. [Internet] Droit à une protection sociale ou à une aide sociale. [Consulté le 13/11/2023] Accessible : https://www.coe.int/fr/web/european-social-charter/article-11#:~:text=Pour%20se%20conformer%20%C3%A0%20l,n%C3%A9cessaires%20en%20cas%20d’%C3%A9pid%C3%A9mie
5.Institut National d’Etudes Démographiques. [Internet] Titres de séjour par motif d’admission. [Consulté le 13/11/2023] Accessible : https://www.ined.fr/fr/tout-savoir-population/chiffres/france/flux-immigration/motif-admission/
6. Beauchemin C, Hammel C, Simon P. Trajectoires et origines. Enquête sur la diversité des populations en France. 2016. [Consulté le 13/11/2023] Accessible: https://www.ined.fr/fr/publications/editions/grandes-enquetes/trajectoires-et-origines/
7. Jusot F, Dourgnon P, Wittwer J, Sarhiri J. Access to State Medical Aid by Undocumented Immigrants in France: First Findings of the « Premiers Pas » Survey. Question de Santé. 2019;245:1-8
8. Dourgnon P, Jusot F, Marsaudon A, Sarhiri J, Wittwer J. Just a question of time? Explaining non-take-up of a public health insurance program designed for undocumented immigrants living in France. Health Econ. Policy Law. 2023;18:32–48
9. Corrado G. The welfare magnet hypothesis and the welfare take-up of migrants. [Consulté le 13/11/2023] Accessible : https://wol.iza.org/uploads/articles/37/pdfs/welfare-magnet-hypothesis-and-welfare-take-up-of-migrants.pdf
10. Guillon M, Celse M, Geoffard PY. Economic and public health consequences of delayed access to medical care for migrants living with HIV in France. Eur J Health Econ. 2018;19:327-40
11. Erkens C, Tekeli B, Van Soolingen D, Schimmel H, Verver S. Recurrent tuberculosis in the Netherlands – a 24-year follow-up study, 1993 to 2016. Eurosurveillance 2022.
12. De Vito E, de Waure C, Specchia ML, Ricciardi W. Public health aspects of migrant health: a review of the evidence on health status for undocumented migrants in the European Region. World Health Organization. Regional Office for Europe.2015. [Consulté le 13/11/2023] Accessible: https://iris.who.int/handle/10665/326342
13. Eick, F. et al. Use of emergency primary care among pregnant undocumented migrants over ten years: an observational study from Oslo, Norway. Scand J Prim Health Care. 2023;41,317–25.
14. Woodward A, Howard N, Wolffers I. Health and access to care for undocumented migrants living in the European Union: a scoping review. Health Policy Plan. 2014;29:818–30.
15. Piette JD, Wagner TH, Potter MB, Schillinger D (2004) Health insurance status, cost-related medication underuse, and outcomes among diabetes patients in three systems of care. Med Care 42:102–109
16. Prats-Uribe A, Brugueras S, Comet D, Alamo-Junquera D, Ortega Gutierrez L, Orcau A et al. Evidences supporting the inclusion of immigrants in the universal healthcare coverage. Eur J Public Health. 2020;30:785-7
17. Peralta-Gallego L, Gene-Badia J, Gallo P. Effects of undocumented immigrants exclusion from health care coverage in Spain. Health Policy. 2018;122:1155-60.
18. Juanmarti Mestres A, Lopez Casasnovas G, VAll Castello J. The deadly effects of losing health insurance. Eur Economic Rev. 2021.131:103608
19. Trummer U, Novak-Zezula S, Renner A, Wilczewka. Cost analysis of health care provision for irregular migrants and EU citizens without insurance. [Consulté le 13/11/2023] Accessible : https://migrationhealthresearch.iom.int/thematic-study-cost-analysis-health-care-provision-irregular-migrants-and-eu-citizens-without
  
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Outil : aborder la sexualité en consultation

Le Dr Samuelle CREPIN a développé grâce à son travail de thèse un outil permettant d’aborder la sexualité en consultation, sous la forme d’une affiche d’information pour la salle d’attente, mais surtout de cartes de communication que nous vous proposons ici, à utiliser en consultation.


Les ministères de la santé et de l’enseignement supérieur renforcent les obstacles à l’accès aux soins

Le SNEMG tient à remercier l’ensemble des MSU pour leur participation active dans la défense de la Médecine Générale et la maitrise de stage ce qui démontre toute la force et l’unité de notre filière. Grace à votre action, de nombreux députés, sénateurs et élus locaux ont pris conscience des enjeux de la formation et relayé massivement vers les ministères l’inquiétude des MSU.
L’immense majorité de la population est inquiète quant à l’accès aux soins, 87% du territoire étant considéré comme zone sous dense. Le levier de la formation des jeunes médecins par les MSU sur les territoires, est bien identifié comme indispensable pour relever ce défi démographique.Et que font les pouvoirs publics ?

  • A ce jour, il existe toujours des difficultés majeures à la mise en place des formations pour les MSU entrainant un ralentissement historique de nouveaux MSU formés alors que la perspective de mise en place de la phase de consolidation, comme les besoins de terrains de stage grandissants pour le 2ème cycle, imposerait une accélération de recrutement de nouveaux MSU.
  • Comme si tout cela n’était pas déjà suffisamment inquiétant, et s’inscrivant dans la droite ligne des décisions préjudiciables à la santé de nos concitoyens, le ministère de l’enseignement supérieur ne propose pas de recrutement de nouveaux enseignants associés dans la filière universitaire, indispensables aux enseignements facultaires et à
    la coordination des MSU sur les territoires. A ce jour, il n’existe pas de financement propre pour de nouvelles nominations au ministère de l’enseignement supérieur.
  • Les tergiversations interminables au ministère de la santé et à la DGOS sur la mise en place de la phase de consolidation menace sa mise en oeuvre.

Si rien n’avance rapidement, nous nous dirigeons vers une situation de blocage qui aggravera encore plus l’accès aux soins de premiers recours pour nos concitoyens et embolisera toujours plus les hôpitaux, eux aussi au bord de l’asphyxie.

Le SNEMG n’aura pas d’autre option que de lancer un mouvement de protestation de grande ampleur impactant lourdement le fonctionnement universitaire et la maitrise de stage. Cette action aurait pour objectif de réveiller nos tutelles, ministère de la santé et ministère de l’enseignement supérieur afin qu’elles se ressaisissent.
Si ces derniers ne sont pas responsables de la situation démographique catastrophique que traverse actuellement le système de santé de notre pays, ils devront, en revanche, répondre devant la société des choix actuels qu’ils auront porté et de leurs conséquences.

Le bureau du SNEMG

La formation à la maîtrise de stage mise à mal par l’ANDPC

Bonjour à tous et toutes,
Ce message pour vous informer que le conflit entre le CNGE et l’ANDPC pour le financement de la formation à la maitrise de stage est à son paroxysme. L’ANDPC n’a pas renouvelé l’agrément des formations pédagogiques portées par CNGE Formation, et fait tout pour ne pas indemniser les formations ayant eu lieu sur les trois premiers mois de l’année. Ainsi l’organisme de formation n’est pas rémunéré, et les participants ne sont pas indemnisés.
En vue de former de nouveaux MSU, un séminaire d’initiation à la maitrise de stage 2e et 3e cycle nommé SIAMS a été créé dans l’urgence par CNGE Formation, et agréé, mais n’est pas satisfaisant sur le plan pédagogique.
Le blocage est donc complet et il a été décidé d’arrêter toutes les formations à la maitrise de stage, jusqu’à ce que la situation se débloque. En effet l’organisation demande une débauche d’énergie aux collèges locaux pour peu de résultats, et un engagement financier pas tenable sur la durée.
Les besoins nationaux estimés avec la réforme du 2e et surtout du 3e cycle sont estimés à 4000 nouveaux MSU : uniquement une centaine ont été formés en 2023, et on ne sait pas combien seront réellement agréés. C’est désolant car la demande de formation est présente chez de nombreux médecins, jeunes et moins jeunes.
Vous pouvez manifester votre soutien en adhérant au syndicat national des enseignants de médecine générale (SNEMG), qui saura porter nos revendications, et notre envie de former les futurs généralistes dans les meilleurs conditions.
Amicalement,
Martin NAESSENS

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